Dénonciations : des enlèvements sous cagoule, des tortures à la Direction générale de la police de l’Attique (GADA)

(traduction: par moi-même)

De graves dénonciations concernant des violences et l’arbitraire à la Direction générale de la police de l’Attique (GADA) sont faites par les personnes interpelées à Nea Smyrni (banlieue d’Athènes). Les dénonciations sont au même nombre que les personnes interpelées.

Selon un article du Journal des Rédacteurs (Efimerida ton Syntakton), toutes les personnes qui avaient été interpelées suite aux incidents lors des manifestations portent de graves coups. Les témoignages expliquent que les passages à tabac ne se sont pas arrêtés avec leur interpellation à Nea Smyrni mais se sont poursuivis dans les cellules de la GADA, par les hommes de l’unité anti-terrorisme et les gardes spéciaux. Des témoignages de la GADA font état de cris suite aux violences, venant des cellules où étaient détenus les interpelés de Nea Smyrni, tandis que les menaces pleuvaient en continu.

La peur dans les yeux d’un interpelé

Un des 16 arrêtés décrit au Journal des Rédacteurs une partie de ce qui s’est déroulé après avoir été amené. Bien qu’au départ il pensait qu’il serait rapidement laissé libre en raison de sa non-participation à des actes illégaux, il s’est finalement trouvé face à un acte d’accusation lourd et laissé libre sous conditions, comme la majorité des personnes interpelées.

Il explique que le soir du 9 mars 2021, des personnes interpelées à divers endroits de Nea Smyrni et à des moments différents étaient transférées à la GADA, sans aucune explication quant au motif pour lequel elles se trouvaient là et sans qu’il ne leur soit permis de contacter un avocat, tandis que leurs téléphones mobiles avaient été provisoirement saisis. À ce moment, ils n’étaient même pas au courant de l’étendue des incidents, ni des blessures de l’agent de police. Au contraire, trente personnes se trouvèrent entassées dans un petit local, au sixième étage de la GADA, sans aucune mesure de protection contre la pandémie. En outre, certains agents leur parlaient sans porter de masque. Les interpelés ont vécu l’arbitraire de la police. Ainsi, par exemple, à leur entrée à la GADA, on leur disait « Vous avez pris votre pied, ce soir, putes ? Vous vouliez un collègue mort ? ». Ou encore, des hommes de l’équipe DRASI (NdT : policiers en moto) passaient en tenant des objets saisis (planches, pierres), laissant sous-entendre qu’ils porteraient cela dans l’acte d’accusation. Certains des interpelés portent des marques visibles de coups, puisqu’ils ont « bénéficié du traitement spécial » dans les bureaux du sixième étage, renvoyant à des méthodes d’interrogatoire d’autres époques. De ces bureaux, comme explique l’interpelé, la majorité sortait effrayée, surtout les mineurs, tandis que certains adultes faisaient état de violence physique et verbale.

Tout cela, explique-t-il, se passait depuis des premières interpellations, vers 19h30 de mardi, jusqu’au premières heures de mercredi. Pendant tout ce temps, ils n’ont rien mangé, n’ont pas eu d’eau et n’ont pas dormi. Le matin du mercredi ils ont été amenés devant le procureur, contraints de se défendre dans cet état. Ensuite, ils furent ramenés à la GADA, dans des cellules, jusqu’à leur nouvelle comparution. Une caractéristique : tout le monde a remarqué le traitement différent, plus digne, dont ils ont bénéficié lors de leur transfert chez le procureur.

Mais, explique-t-il, en détention, leur traitement était sélectif : certains n’étaient jamais autorisés d’aller à la toilette ou de boire de l’eau, d’autres pouvaient aller aux toilettes trois fois par jour, tandis que quatre interpelés se sont vus interdis de sortir de leur cellule (deux garçons et deux filles). Il est à noter également que, le soir du mercredi, dès que certains arrivaient à s’endormir, on les sortaient soudain dans le couloir, l’un après l’autre, et on les conduisait dans une pièce dépourvue de caméras où ils étaient ordonnés de se déshabiller et de fléchir les genoux en s’abaissant. Les interpelés n’ont pas récupéré leurs objets personnels ni ce que leurs familles et connaissances leurs avaient envoyé les jours de leur séjour provisoire. C’est pourquoi ils craignent que n’importe lequel de ces objets pourrait être utilisé contre eux, à tout moment, et ils déclarent publiquement que dans pareil cas c’est la police hellénique qui sera responsable. 

« Enlèvement et torture à la GADA »

Aris Papazacharoudakis, 21 ans, parle au Journal des Rédacteurs de son enlèvement par des policiers, un jour après les incidents de Nea Smyrni. Il dénonce les tortures qu’il a subies pour plusieurs heures à la GADA et affirme que Michalis Chrysochoïdis (Ministre de la protection du citoyen…) est le seul et exclusif responsable de tout ce qui arrivera dorénavant à lui-même ou à son co-accusé qui est en détention provisoire accusé de tentative d’assassinat de policier sans, dit-il, que cette accusation ne soit étayée.

  • Vous êtes parmi les personnes interpelées qui ont été amenées au juge d’instruction samedi dernier et vous avez été libéré sous conditions. Au départ, vous étiez confronté à l’accusation de tentative d’assassinat de policier, mais vous n’avez pas eu à vous en défendre car, finalement, l’accusation n’a pas été portée contre vous. Quand avez-vous été interpelé et où ?

J’ai été interpelé le lendemain des incidents de Nea Smyrni, à quelques mètres du bâtiment accueillant l’assemblée du Collectif anarchique Masovka, dont je suis membre. J’avais participé à la protestation contre les violences policières, mais il n’y aucun élément étayant ma culpabilité ou me reliant à l’incident. Il était près de 19h30 et j’allais prendre un taxi pour rentrer chez mois avant l’entrée en vigueur du couvre-feu.

D’abord, une moto s’est arrêtée devant moi, sur laquelle se trouvaient deux personnes portant des cagoules. J’ai présenté ma carte d’identité. Quelques secondes après, un véhicule sans plaques d’immatriculation est arrivé et, alors qu’il était en mouvement, ils m’ont jeté sur le capot. Ils m’ont mis des menottes, les bras dans le dos, m’ont mis une cagoule et m’ont poussé dans l’auto avec des coups de poing et de pied. Jusqu’à ce moment-là je ne savais pas dire si j’avais à faire avec des policiers ou des mafiosi.  Il s’est avéré que j’aurais peut-être mieux fait d’avoir à faire avec des mafiosi. Au travers de la cagoule je pouvais distinguer peu de choses mais, chaque fois que levais la tête, on me frappait. À un moment donné j’ai entendu une radio. Elle ne venait pas de l’auto et j’ai compris qu’elle était accompagnée d’autres motos. Avant mon enlèvement j’avais appris que mon meilleur ami avait disparu. C’est lui qui est en détention provisoire sur la base d’accusations boiteuses.

  • Que savez-vous de l’arrestation de votre ami ?

Elle s’est passé devant chez lui mais à l’heure où il travaillait. Il travaille comme livreur et, alors qu’il livrait des plats, il a été littéralement enlevé. Comme il tardait de rentrer, les gens du travail ont contacté la famille et pour longtemps on craignait qu’il avait eu un accident de la route. En particulier, à partir du moment où sa mère a téléphoné à la Direction de la police, on l’a assuré que son fils n’était pas détenu. Alors, la famille a été à la police pour déclarer sa disparition. Comment pouvaient-ils savoir que c’était la police qui l’avait fait disparaître…

  • Vous avez été amené à la GADA ?

Oui, au sous-sol. A droite et à gauche, j’ai vu qu’il y avait des dizaines de policiers en rangs. On m’a sorti de l’auto et on a commencé à me frapper. On m’a jeté dans l’ascenseur et on me disait « on va violer même ton chiot ». On m’a demandé mon âge et quand j’ai répondu que j’avais 21 ans, ils m’ont dit « t’as des jambes bien fortes, pour 21 ans », et ils me frappaient aux jambes. Ils m’ont mis dans une pièce. J’étais toujours les bras menottés dans le dos et portant la cagoule, comme un prisonnier de guerre. Je ne sais pas combien sont passés dans ce bureau. On dirait que toute la force de la police montait et descendait pour me passer à tabac. Certains me frappaient sans parler, d’autres m’injuriaient, me demandaient constamment de dire de quelle équipe de foot j’étais fan. Je leur expliquais -façon de parler, dans l’état où j’étais- que je ne suis fan d’aucune équipe de foot, ni hooligan. On m’a répondu : « On s’en bat les couilles, tu diras une équipe ». À un moment donné, ils ont éteint la lumière et, alors, la seule lumière que je pouvais distinguer c’était quand la porte s’ouvrait pour que quelqu’un vienne me frapper. On me laissait reprendre mon souffle pour cinq minutes. Alors ils cognaient les tables et j’entendais des bruits d’outils et de fermetures-éclair et on me demandait « T’es prêt ? » Je répondais par la négative… c’était comme un simulacre d’exécution. Un autre m’a pris la tête et l’a violemment cognée contre la table.

  • Ces tortures physiques et psychologiques que vous décrivez, combien ont-elles duré ?

Il n’y avait pas un point de mon corps à ne pas avoir été battu pendant 8 heures. J’ai conclu que j’étais au 13ème étage lorsque, à un moment donné, on m’a descendu en prenant l’escalier à l’étage en-dessous, où il y avait un logo « DAEEV » (Direction de lutte contre le crime spécial violent). Enfin, j’étais au 12ème étage, et le premier cycle de mes tortures venait de s’achever. Le deuxième a commencé en me montrant une fenêtre et en me disant : « Si tu veux te sauver, personne ne t’en empêchera. Sinon, dans quatre jours, tu iras en prison pour tentative d’assassinat de policier, et, là, tu auras l’occasion de compter les « like » à tes posts. »

  • À quelle publication faisaient-ils référence ?

J’avais commenté sur Facebook -c’est encore là- qu’il s’agissait de drôles de Clouseaux qui attribuaient des accusations de mafia, parlant de l’arrestation du jeune qui avait perdu son portefeuille, que je ne connais pas personnellement.  Moi, on me demandait constamment des noms, de n’importe qui, on me disait de donner des activistes politiques. Je disais que je n’en connaissais pas et on m’a donné des coups de coude sur la colonne vertébrale. J’ai cru que j’allais être paralysé. J’essayais et je souhaitais m’évanouir pour qu’on m’amène à l’hôpital, ou bien que je meure. Je perdais connaissance, je suis tombé de la chaise et on m’a soulevé en tirant par les menottes. Soudain, quelqu’un m’a retiré la cagoule. J’ai dit « je ne me sens pas bien ». On m’a répondu « pourquoi tu ne te sens pas bien ? Tu t’es cogné ? » Alors, on m’a demandé de signer mon arrestation et on m’a dit que je devais reconnaître que les objets saisis étaient tout ce que j’avais sur moi, rien de plus. Je ne voulais pas donner mes empreintes digitales, craignant un acte d’accusation fabriqué de toute pièces. Quand j’ai parlé du cas d’Irianna, ils m’ont dit « ne regarde pas trop Netflix ». Finalement, ils ont pris de force mes empreintes digitales, sans mon consentement. Ensuite, on m’a emmené dans une cellule, au septième étage.

  • Au 7ème étage, il y avait d’autres personnes interpelées ?

Au début, j’étais seul dans ma cellule. Mais j’ai crié le nom de mon ami et il a répondu. Ensuite, on nous a mis dans la même cellule, sous régime différent de celui des autres. Nous étions complètement isolés. Pas d’eau, pas de toilette. La seule aide venait des jeunes qui avaient été arrêtés à Nea Smyrni. Ils nous passaient des bouteilles d’eau par les barreaux. C’est ce que nous avons bu. Puis, c’est dans les bouteilles que nous avons uriné. Nous nous couchions à même le sol de ciment. Pas de matelas, pas de couverture, rien. Pendant deux jours, nous n’avions pas accès aux toilettes. Nous n’étions pas autorisés de parler avec un avocat. À un moment donné, ils nous ont permis de contacter nos familles, pour 30 secondes. Pendant ce temps, ils nous montraient leurs matraques, pour que nous sachions ce qui nous attendait si nous dépassions le délai de la demi-minute. Même au tribunal, à côté de notre avocate, il y avait l’unité anti-terrorisme.

  • Avez-vous demandé à aller à l’hôpital ou avez-vous dit à la juge d’instruction tout ce que vous dénoncez ?

J’ai refusé de demander des soins médicaux, pour des raisons de dignité. La juge d’instruction pouvait constater les marques de coup sur mon visage. Mon ami et moi, nous sommes des prisonniers politiques et c’est précisément pour cette raison qu’il est en détention provisoire. Les conversations qu’ils invoquent ne prouvent qu’une chose : le fait que nous étions illégalement sur écoute. Même aujourd’hui, je crains pour ma vie et celle de mon ami. Je déclare publiquement que, pour tout ce qui nous arrivera, l’exclusive responsabilité incombe à « monsieur Michalis de Nea Dimokratia » (NdT : Michalis Chrysochoïdis, ministre du gouvernement de la Nouvelle Démocratie), comme j’entendais certains s’adresser à lui quand ils lui parlaient au téléphone. 

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